Résumé :
|
Ce texte décrit un monde en métamorphose où un peuple autochtone, les A’i Cofán de la jungle du Putumayo, se voit affecté par deux fièvres du végétal : la ruée de la monoculture illégale de la coca (Erythroxylum sp.) et l’appropriation du yajé ou ayahuasca (Banisteripsis caapi) par les non-autochtones. Pourtant, dans leur monde chaviré par des violences, trafics et changements écologiques, les plantes regorgent toujours de puissances vitales, enivrantes et magiques, a contrario du déracinement ontologique et moderne de la coca et du yajé. Ce voyage ethnographique au cœur de ce peuple dévoile donc des modes d’existence de ces plantes dans plusieurs régimes de thermicité, de visibilité et de prégnance (terme inspiré de Gilbert Simondon), subsistant malgré les logiques d’une colonialité en suspens qui opère de manière extractiviste à l’égard des plantes et territoires. C’est donc dans les pratiques, les soins et les usages qu’en font les guérisseur.e.s traditionnel.le.s que les plantes deviennent médicinales. Ainsi, la guérison des corps est inséparable de la guérison des territoires, tout comme les rapports avec les êtres invisibles et les ancêtres sont reliés au caractère médicinal ou toxique du végétal. C’est finalement dans la connaissance d’une « science » du végétal que les A’i Cofán peuvent continuer à habiter leurs mondes, et ce, malgré les transitions chroniques coloniales et anthropo(s)céniques qu’ils doivent subir au quotidien dans une jungle en transmutation.
|