Résumé :
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L'apport des médicaments de substitution, notamment de la méthadone, dans la prise en charge des usagers de drogues n'est plus à démontrer. En évitant la recherche incessante de produits, ils favorisent la réinsertion sociale et professionnelle des usagers et réduisent les comportements à risques d'injection. Plusieurs essais cliniques randomisés ont comparé l'efficacité de la buprénorphine à celle de la méthadone dans les traitements de maintenance. La buprénorphine haut dosage (BHD) a été mise sur le marché en France en juillet 1995 comme médicament de substitution en cas de dépendance sévère aux opiacés. Trois dosages de BHD (0,4 mg, 2 mg et 8 mg sous la dénomination de Subutex) ont été commercialisés à partir de 1996 en officine de ville, permettant, sous des conditions précises, à chaque médecin, dont les généralistes, de prescrire ce traitement. Cependant, son utilisation par les médecins généralistes reste encore limitée. Chaque prescription ne peut réglementairement excéder 28 jours.Les doses journalières recommandées sont 8 à 10 mg avec un maximum de 16 mg. Le sulfate de morphine a été strictement interdit en juin 1996, faisant de la BHD le seul traitement possible en médecine de ville.Sa sécurité d'emploi, liée, en partie, à ses propriétés pharmacologiques d'agoniste partiel de longue durée d'action et sa forme galénique devant interdire la possibilité d'injection intraveineuse ont contribué à rendre la BHD accessible aux médecins généralistes réunis dans le cadre de réseaux.La France est le seul pays d'Europe où ce médicament est actuellement utilisé à grande échelle. En moins d'un an, 25000 usagers de drogues ont été traités par la BHD. Aujourd'hui, ce chiffre est estimé à plus de 60000. Malgré l'ampleur de cette prescription, aucune évaluation des informations dont bénéficient les usagers de drogues avant d'utiliser ce médicament, ni sur la nature, ni sur l'importance des dérives observées de plus en plus fréquemment dansla prescription ou l'utilisation, n'est à ce jour disponible. Il n'existe pas non plus d'information concernant la fréquence des complications somatiques résultant d'un détournement de son usage, c'est-à-dire l'injection intraveineuse du produit. On sait cependant que la prise associée de benzodiazépines ou d'alcool serait en cause dans la plupart des cas de surdose observés. Des complications locales de l'injection de ce produit ont aussi été signalées. Une enquête téléphonique « un jour donné » effectuée dans le réseau REPSUD 06 auprès de 18 médecins généralistes (sur les 75 du réseau), représentant environ 156 usagers de drogues, a recensé 16 % d'injecteurs de BHD. Parmi les sujets sous protocole BHD dans le cadre du programme OPPIDUM, soit 566 sujets, 15 % ont utilisé la voie intraveineuse et 2 %la voie nasale, ceci plus fréquemment chez ceux suivis par un médecin généraliste (voie intraveineuse: 24 % vs 10 % , voie nasale 5 % vs 1 %). Dans l'enquête faisant le bilan du traitement des 25 000 usagers de drogues par la BHD, il a été souligné le caractère « vraisemblablement très limité » des reventes au marché noir, mais l'inquiétude des pharmaciens devant certaines dérives a été soulignée : achat simultané de seringues et de BHD. Il est probable que la BHD, au moment où elle est achetée en pharmacie, est considérée, même par l'usager, comme un médicament, lequel redeviendrait « produit » une fois en sa possession. Injectée, la BHD illustre le dilemme de l'usager: vouloir s'en sortir, passera la substitution, mais rester dans la spirale de la marginalité, de la capitulation et du fétichisme semble êtrederrière l'usage répétitif de l'aiguille. Les médecins, les pharmaciens et les intervenants en toxicomanie sont de plus en plus nombreux à assister, impuissants fautes d'analyses, à cette dérive d'utilisation du médicament.Les objectifs principaux de cette étude sont : connaître la prévalence de l'injection de BHD dans une population d'usagers d'opiacés vus dans le cadre d'une prise en charge médicale ou sociale , décrire la population utilisant ce produit en injection et ses comportements, appréhender les déterminants psychosociaux et démographiques entourant l'injection de BHD, notamment dans le cas où la BHD à été prescrite à l'usager.Les objectifs secondaires sont: l'évaluation du niveau de connaissances des usagers de drogues sur la BHD: son mode d'administration, ses contre-indications, les associations déconseillées , l'apport aux médecins, aux pharmaciens et aux associations d'autosupport d'informations précises sur la fréquence et la nature des dérives d'utilisation de laBHD , permettre une mise en garde adaptée aux modes et aux conditions d'utilisation de la BHD par les usagers de drogues n'ayant pas encore injecté le médicament.
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