Résumé :
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L'introduction, ou la réintroduction, de la notion d'addiction dans le champ psychopathologique marque une certaine évolution des conceptions relatives aux pratiques toxicomaniaques. Moins centrées sur les effets psychopharmacologiques des produits, ou sur la mise en cause d'une «structure de personnalité» déviante, supposément commune à l'ensemble des sujets concernés, les approches contemporaines considèrent désormais le phénomène du point de vue de la dynamique psychologique qu'il met en jeu.|Et dans cette perspective, l'addiction apparaît généralement comme un mécanisme de défense spécifique, transnosographique c'est-à-dire dépassant le cadre des entités psychopathologiques traditionnellement identifiées comme telles -, un moyen de survie psychique ou de «sauvegarde identitaire» destiné à «compenser» une certaine fragilité narcissique.|Ce que confirme la lecture anthropo-analytique du modèle d'expérience toxicomaniaque, fondée sur l'analyse thématique, puis structurale, d'un certain nombre de récits de vie d'usagers, ou d'ex-usagers, d'héroïne. Il ressort en effet de cette étude, qui combine quelques réflexions anthropologiques à la lecture psychanalytique des données, que la conduite d'intoxication pourrait participer de fonctions ritualisantes, comme le soulignent nombre d'auteurs, en mettant l'accent sur le retournement ver de modes archaïque du fonctionnement psychique, la valeur traumatolytique, l'effet anxiolytique ou encore la «fonction contenante» engagés par le recours au produit.|Toutefois, ces approches se focalisent le plus souvent sur les effets protecteurs ou surprotecteurs de l'intoxication, négligeant les épreuves de pertes et de déconstruction que ne manquent pas d'occasionner de tels parcours. C'est pourtant en s'intéressant à ces «expériences négatives» qu'il devient possible de cerner le véritable sens rituel de ce modèle d'expérience, pour autant que ce soit bien de son sens à la fois symbolisant et socialisant que se fonde toute définition exhaustive du rite. Dès lors, c'est dans une certaine forme d'« initiation à la négativité» que pourrait poindre, pour ces sujets, la possibilité d'interroger les fondements de leur identité symbolique.
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