Résumé :
|
Que la pratique des jeux d'argent et de hasard puisse devenir passion dévorante, obsédante, envahissante, au détriment de tous les investissements affectifs et sociaux est un fait connu et avéré, décrit depuis plusieurs siècles. Cependant, depuis un peu plus d'une décennie, le regard posé sur les sujets happés par la spirale du jeu s'est sensiblement modifié : les années 80 semblent marquer un point d'inflexion, tant au plan sociologique que clinique.Depuis son insertion dans le 'Manuel statistique et diagnostique des troubles mentaux (DSM III)' en 1980, le jeu pathologique est l'objet de multiples recherches et publications, en divers domaines : épidémiologie et statistique, psychologie et thérapeutique, mais aussi biologie et pharmacologie.La conjugaison de la prolifération des jeux et de la définition d'une pathologie du jeu conduit divers spécialistes à tenir des propos alarmistes, au motif de 'l'exposition au risque' de couches de plus en plus large de la population, quant à l'éventualité de l'émergence d'un véritable 'fléau social'. Cette inquiétude se traduit dans les médias par l'insistante diffusion de discours assimilant le jeu à une drogue.Or les discours libéraux en vogue prônent l'injonction de consommer, de jouir pleinement, , de disposer de soi sans refrènement.L'émergence d'une 'société de désinhibition' (A. Ehrenberg) amène ainsi les cliniciens à se pencher sur les 'nouvelles addictions' promues au rang de 'maladies de la modernité'.Dans le cadre de cette notion d'addiction élargie où la dépendance est rapportée à tout ce qui peut être investi à l'instar d'une drogue, le jeu pathologique revêt l'allure d'une 'toxicomanie sans drogue' dont les manifestations les plus spectaculaires sont les préoccupations obsédantes de se livrer au jeu, une escalade faramineuse des enjeux afin de contrecarrer l'émoussement des sensations, la 'perte de contrôle' de l'activité ludique, et l'émergence de troubles psychiques consécutivement à l'arrêt du comportement.Le pari de cet ouvrage est de montrer en quoi le jeu addictif offre une occasion privilégiée d'articuler l'ordinaire et l'exception, la pathologie et la norme, l'exaltation et les habitudes routinières, le calcul et la démesure, la répétition mortifère et l'instant renversant, l'acceptation de la loi et sa transgression, le sacré et le profane.
|